Je ne suis pas un historien mais un raconteur. Je ne vous expliquerai pas la suite de l'histoire de Malcolm Fraser avec des détails à n'en plus finir, mais je vais y aller avec ce que les anglais appel du "educated guesswork" et de la vulguarisation. Si on veut expliquer les raisons de la défaite française et la victoire des Britanniques à Québec, on peut simplifier ça de cette façon: Wolfe s'est dit "Ah pi d'la marde, on fait ça, pi ça passe ou sa casse" avec deux cuillérées à soupe de chance. Montcalm, lui a été victime de complaisances, maladresses et caffouillages de la part de son entourage. Un vrai "clusterfuck".
Wolfe tente depuis juin 1759 de prendre Québec via Beauport et la rivière Montmorency. Il a frappé un mur, ça marche pas son affaire. En même temps, Montcalm envoie Bougainville et ses hommes à Cap-Rouge s'attendant à voir débarquer les anglais amassés sur l'autre rive à St-Nicolas. L'hiver approche et Wolfe se doit de prendre Québec pour y passer l'hiver ou retourner en Nouvelle-Écosse pour se reprendre le printemps suivant, pas évident. Le 12 septembre, deux déserteurs français l'informent qu'un convoi de ravitaillement est attendu à Québec en provenance de Trois-Rivières. C'est là que reprend notre histoire avec Malcolm Fraser et ses troupes du 78ième qui attendent à bord de navires pendant la nuit du 12 au 13. Ils vont débarquer à l'Anse-Foulon, entre Cap-Rouge et Québec, en se faisant passer pour ce convoi de ravitaillement français.
"HALTE! QUI VA LÀ?" Les Highlanders sont défiés par une sentinelle française à l'approche de la plage. Un capitaine Fraser lui répond dans un français impeccable. Avec cette déception, les écossais prennent sans problème la garnison dont la plupart des miliciens ont été retournés chez eux pour voir à leurs récoltes. L'ascension de ce que Malcolm qualifiera de précipice se fait immédiatement pour se terminer sur les Plaines et la prise d'un poste de garde français. À l'aube, une petite force britannique fait une feinte sur Beauport alors que les troupes de Wolfe prennent place sur les Plaines d'Abraham devant la ville de Québec. Les premiers coups de feux s'échangent à 6h00 du matin par un temps pluvieux. La largeur du champ de bataille ne fait que 1,6 km avec le fleuve à droite et une forêt à gauche. Wolfe fait face aux fortifications devant lui et les troupes de Bougainville sont 12 km derrière lui à Cap-Rouge. Un moment "M'a te prendre un 6/49" pour Wolfe, il joue gros.
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La montée vers les Plaines, source Wikimedia. |
La bataille fait rage toute la matinée. Les 4 400 troupes de Wolfe font face aux 12 000 que Montcalm peut déployer, mais une série d'erreurs feront que la plupart de celles-ci ne se rendront jamais sur le terrain ou arriveront trop tard. Montcalm se fait refuser 3 000 troupes de réserve par Vaudreuil qui les garde en retrait pour, soit sauver le jour à son honneur ou mettre la faute sur Montcalm en cas de défaite. L'artillerie ne déployera que 2 des 22 canons disponibles au-delà des murs pour faire face aux Britanniques. Les deux canons de Wolfe seront placés de façon éfficace et feront feu sur les troupes françaises qui arrivent en colonne de marche. Les français n'arriveront pas à se placer en position de combat et ce sera la confusion totale dans les rangs, c'est la débandade. À l'arrivée de Bougainville de Cap-Rouge à 11h00, il est trop tard. La bataille est terminée et les anglais ont fortifié leur position. Bougainville battra en retraite avec le reste des troupes françaises après avoir essuyé quelques coups de canons.
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1. Mousquet 2. Broadsword (Provenance: Maison Fraser, Rivière-du-Loup Qc) |
Pour Malcolm Fraser, cette journée sera mouvementée. Sur le côté gauche de la ligne britannique, Malcolm et le 78ième Highlanders font face à la milice canadienne embusquée en haut d'une colline derrière des buissons. Après deux volées de mousquets, les Highlanders laissent leurs fusils et chargent la position française broadsword à la main. Des survivants français de la charge feront référence à Malcolm et ses compatriotes de "sauvages écossais", décrivant les soldats en kilt de fous furieux à moitié nus. Cette charge contribura grandement à la déroute des Français au prix de lourdes pertes au sein du régiment des Frasers. Pour sa part, Malcolm s'en tire à bon compte avec une contusion à la poitrine qui démontre la proximité du combat. Après une balle au poignet, une à l'aine et finalement une au poumon, Wolfe mourra sur le champ de bataille. Montcalm, lui, sera transpercé au niveau de l'abdomen par une balle et succombera le lendemain.
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Montcalm, source Wikimedia.
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Vaudreuil rassemblera les troupes françaises pour se déplacer vers l'ouest en abandonnant Québec derrière lui. La Ville capitulera le 18 septembre. Malcolm et le reste des troupes hiverneront à Québec durant un hiver très dur. Le kilt régimentaire ne sera pas à la hauteur de l'hiver canadien pour les membres du 78ième dont certains perdront l'usage des orteils et des doigts. Le scorbut fera aussi son effet sur les soldats occupant la capitale. Malcolm et ses hommes seront affectés à la coupe et au transport du bois en provenance de Ste-Foy. Un 2.5 km facile aujourd'hui en voiture, mais toute une épreuve à cette époque, dans la forêt enneigée.
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La barraque française de Québec. Malcolm Fraser y a probablement passé l'hiver de 1759-60. |
Le 28 avril 1760, Lévy, avec 7 000 hommes, tente une contre-attaque Québec. Pour une raison inconnue, Murray, qui remplace Wolfe, sort ses 4 000 hommes déjà amochés des murs de la Ville pour affronter les troupes françaises sur le terrain à Ste-Foy. Malcolm Fraser est très critique de cette décision, traitant son général de courreur de gloire. Les Britanniques mangeront une volée. Lévy occupait la position élevée sur le site de la bataille avant l'arrivée des troupes de Murray. Cette position dominante lui donnera tous les avantages sur ce terrain en pente. Pas de radio ou téléphone en 1760, voir, pour mieux commander, était primordial. On peut visiter le site de la bataille aujourd'hui au Parc des Braves à Ste-Foy. Murray y perdra 1 000 hommes aux 850 hommes de Lévy. Malcolm survivra à la bataille avec une blessure à l'aine. De son journal: "J'ai reçu une balle de mousquet dans l'aine. Soit elle est tombée pendant que je marchais, qu'elle n'a pas pénétré ou qu'elle est toujours en place, je ne saurais dire. Par contre, au bout de 20 jours la plaie était fermée et j'étais guéri." Un vrai Chuck Norris de son temps!
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Site de la bataille de Ste-Foy au Parc des Braves.
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Les renforts et le ravitaillement arriveront d'Angleterre en mai pour les troupes de Murray qui auront battu en retraite derrière les murs de Québec. La Royal Navy aura oblitéré la flotte française, envoyée pour renforcer Lévy, au large des côtes de la France lors de son départ. Lévy capitulera à Montréal le 8 septembre 1760 malgré sa victoire à Ste-Foy et ce sera la fin pour les troupes françaises en Amérique. Malcolm Fraser qui fera parti de l'expédition pour Montréal, reviendra à Québec peu de temps après.
Ce fut un réel plaisir de marcher dans les pas de mon ancêtre ici à Québec. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que le site de la bataille de Ste-Foy était au Parc des Braves à 7 minutes de voiture de ma position. J'ai dû passer 12 fois devant avant de prendre le temps de m'arrêter pour voir c'était quoi ce parc et réaliser que c'était l'endroit même qui était apparu dans mes recherches. Les Plaines d'Abraham, les Portes de St-Jean et St-Louis ont soudainement plus de signification pour moi. Mais l'histoire ne se termine pas là. Soyez au poste lundi prochain pour le troisième et dernier chapitre de cette histoire incroyable.
Vous pouvez lire une partie du journal de Malcolm Fraser en cliquant ici grâce au Library of Congress des États Unis.
Pour les détails de la bataille des Plaines d'Abraham, cliquez ici pour commencer avec Wikipedia.
On se reparle
Gerry :)